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Des Auteurs opposés à la future loi DADVSI

Après une première lecture alourdie par une grand nombre d'amendements proposés par l'opposition la loi DADVSI sur les droits intellectuels sur les œuvres culturelles notamment refait son apparition.
Il y a un moment de ça certains voulaient terrorisé le terroriste aujourd'hui on veut interner l'internaute. Le principe est le même est la peur doit changer de camp. D'un côté il y aurait le vilain pirate responsable de tous les maux et de l'autre l'artiste victime d'un réseau pernicieux. Il semble que pour certains ce ne soit pas si simple, en témoigne cette tribune d'un auteur pas totalement satisfait d'un système inégalitaire de répartition des droits.


En France, les auteurs ont principalement le choix (ou presque) entre deux systèmes :

La SACEM : C'est pour les auteurs, un engagement total et difficilement résiliable.
Après avoir payer votre inscription en tant qu'auteur, vous déléguez la gestion de vos droits pour toutes vos créations sans exception qu'elles soient à l'état de projet ou non. Ensuite, vous n'avez plus aucune maîtrise sur les usages. Par exemple, bien qu'auteur, vous n'avez plus la liberté d'autoriser n'importe quel média ou association à diffuser gratuitement un de vos titres. Suite à l'inscription, le contrat avec la SACEM engage les auteurs pour une très longue durée : pour 10 ans renouvelable automatiquement (pour 10 nouvelles années) à date anniversaire. En plus, pour rompre le contrat, c'est la croix et la bannière si on oublie de poster sa lettre le jour anniversaire.

Une redistribution arbitraire des droits.
La SACEM est seule habilitée à autoriser ou interdire l'utilisation d'une oeuvre. En contrepartie, elle s'engage à fournir à l'auteur une rémunération qu'elle perçoit auprès des utilisateurs de musique. La SACEM dispose pour ce faire d'un large réseau de contrôleurs répartis sur le territoire pour veiller à la bonne collecte des droits. Normalement, si une de vos œuvres est diffusée ou utilisée, ceci fait l'objet d'une déclaration obligatoire à la SACEM par l'usager avec un paiement de droits à la clés, avec à la suite un reversement partiel (hors pourcentage que conserve la SACEM en particulier pour payer son fonctionnement) de ces droits de la SACEM à l'auteur. A ceci près que depuis plusieurs années, la SACEM a développé les possibilités de " contrats au forfait " dans un but qui était au départ de faciliter la gestion administrative. Il s'agit de contrats, en général annuels, où il n'est plus besoin de lister toutes les œuvres utilisées. Ils représentent une part significative des recettes de la SACEM. Ces montants non affectés ou indirects (non reliés directement à des œuvres/auteurs) sont redistribués aux membres de la SACEM au prorata des montants affectés (associés clairement à des œuvres/auteurs).
Sur cette base, les " petits " auteurs se retrouvent floués de deux manières ; leurs œuvres sont souvent diffusées par de petites structures qui privilégient les " contrats au forfait " ; percevant un faible montant de droits affectés, la redistribution des montants non affectés leur est d'autant plus défavorable. A titre d'illustration, vous êtes auteur membre de la SACEM. Si vous mettez une de vos propres œuvre en ligne sur votre propre site web, vous devez payer un forfait à la SACEM (obligatoire, pas de diffusion gratuite même sur votre propre site), et sur ce montant, la SACEM vous redistribuera des mini-miettes.

En résumé, plus vous êtes un " gros " auteur, plus vous êtes privilégié et plus vous toucherez. Le système n'est pas prêt de bouger puisqu'au sein du conseil d'administration de la SACEM, ce sont les " gros " auteurs qui sont représentés, et la politique de contrats au forfait se développe activement.

Une structure créée sur une base saine et louable qui s'est transformée progressivement en ogre inéquitable.
Au départ, créée par des auteurs pour défendre les auteurs, la SACEM est devenue une structure administrative lourde et opaque intimement liée aux industriels et majors du secteur, représentant des plus gros aux détriments des plus petits. La SACEM est un monopole de fait. Elle est l'interlocuteur privilégié des institutions françaises et internationales, des leaders de l'industrie du disque. Elle dispose de moyens d'actions puissants. Elle est pour beaucoup incontournable. D'ailleurs, elle n'hésite pas à saisir la justice même contre ses propres membres. Les majors et les labels importants exigent que les auteurs soient inscrits à la SACEM. En théorie, donc, toute utilisation de musique doit se faire avec l'aval de la SACEM, et l'auteur qui souhaiterait diffuser librement une de ses oeuvres n'aurait qu'une solution : démissionner de la SACEM (s'il y arrive), et se priver totalement de la puissance de négociation de cette société, en particulier vis à vis des entreprises qui exploitent la musique à des fins commerciales.


Les licences Art Libre et Creative Commons, une alternative à la SACEM.

Les auteurs peuvent encore aujourd'hui, s'ils ne se sont pas inscrits à la SACEM, gérer eux-mêmes leurs droits. Certes, ils ne disposent pas alors d'un réseau de contrôleurs tel que celui de la SACEM, mais ils bénéficient alors d'une flexibilité incomparablement beaucoup plus grande quant à la gestion de leurs droits et de leurs œuvres, et restent maître de leur travail. En effet, avec des licences de type " Creative Commons ", l'auteur peut pour chacune de ses œuvres (et ceci de manière différentiée) décider et formaliser dans le détail les droits qu'ils souhaitent voir attachés à son œuvre. Le dispositif " Creative Commons " existe depuis peu mais est déjà très répandu, plusieurs dizaines de milliers d'auteurs et fait l'objet d'une normalisation au niveau international. Le système " Creative Commons " (bien que non encore reconnu par les majors) à la fois complet, souple, et international est un véritable levier pour la création et les créateurs et dynamise les échanges culturels, alors qu'à l'inverse, des dispositifs de type SACEM (dans leur modalités actuelles) sont lourds, rigides, portent même atteinte dans certains cas aux véritables droits d'auteurs (au sens originel) et limite en conséquence singulièrement la création. Depuis la naissance de Creative Commons, des milliers de micro-labels de musique (fondés autour de petits groupes d'auteurs) se sont créés en France et partout dans le monde, diffusent et partagent leurs créations. Il n'y a qu'à voir un site comme " Musique Libre " pour s'en rendre compte.

Le projet de loi DADVSI en cours de vote à l'assemblé nationale.
Comme beaucoup de débats, certains médias en font un résumé très succinct du type "une loi pour protéger le droit d'auteur". Mais de quel " droit d'auteur " parles-t-on ? Quel est le contenu de la loi ? Quels sont les éléments qui font débat ? Comment une population non avertie sur l'existant et les perspectives dessinées par la future loi peut se faire une opinion. Ceci s'apparente à de la manipulation. La télé caricature le débat : face à des pirates par milliers qui copie en masse, la future loi serait garante du droit d'auteur.
Moi qui suis auteur, je dis non à cette loi, je n'en veut pas, car elle ne va pas protéger mon droit d'auteur, au contraire ! En plus, elle ne correspond pas du tout à ma conception de la création artistique. En effet, cette loi a été construite en étroite collaboration avec les leaders de l'industrie du disque, largement récompensés de leur lobby intensif aussi bien auprès des institutions françaises que de l'Union Européenne. Cette loi répond aux attentes de cette industrie, et non pas aux attentes des auteurs, en tout cas dans leur majorité, avec la complicité bienveillante de la SACEM censée représenter les auteurs.
Si on analyse le contenu de cette loi, on s'aperçoit notamment ; qu'elle renforce la capacité marketing de cette industrie du disque. Sous l'alibi d'un renforcement de la sécurisation sur Internet, chaque usage des œuvres fera l'objet d'un tracking, ainsi l'industrie du disque pourra savoir qui a écouté quoi et quand. Bonjour les libertés individuelles. Elle ferme le marché autour de quelques acteurs clés : Les auteurs ne pourront plus diffuser librement leurs œuvres. Ils seront obligés de passer par des intermédiaires pour encoder leurs fichiers sons, ces intermédiaires non dépourvus d'intérêts commerciaux dicteront leur bon vouloir. Cette affiliation obligatoire sera payante et étroitement encadrée, il y aura obligation de passer par une société de droits d'auteur ayant pignon sur rue. Bonjour la concurrence, et le droit d'auteur.

Avec cette loi, les auteurs deviennent dépendants d'un système de marquage qu'ils non pas tous demandés mais qui garantie à l'industrie du disque son assise et son monopole. Par ailleurs, ce système de marquage ne prévoit pas de diffusion libre et gratuite même si certains auteurs peuvent le souhaiter. Délaissé par les organismes censés les représenter (SACEM), les auteurs sont les oubliés de cette histoire, au profit des grandes batailles qui s'annoncent entre les mamouths opérateurs telecom et majors du disque.

Est-ce qu'on va sacrifier la liberté de création au bénéfice de quelques gros qui vont s'en mettre plein les poches ? Est-ce qu'on va appauvrir la dynamique créative pour privilégier une certaine vision de l'efficacité économique ? Et tout ça sous l'alibi de la sécurité et du droit d'auteur …

Avec les possibilités offertes par Internet, les auteurs peuvent aujourd'hui se passer s'ils le souhaitent des intermédiaires tels que l'industrie du disque et les majors. De même, le public peut être en contact directement avec les musiciens. Est-ce cela qui fait peur à certains ?

Le chanteur abandonné


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