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LES MARCHANDS DU TEMPLE
(un grand merci et big respect adressé au site http://www.rapaces.fr.fm/ , vitrine Internet du groupe français Hip-hop Rapaces, qui -avant nous- a su matérialiser sur le web un juste dégoût pour ces proxénètes d'une culture nous étant si chère et dont cet article reprend le contenu d'un des communiqués du site ci-dessus nommé...)

Aussi dur que cela puisse paraître à avouer, force est de constater que d'un mouvement populaire et contestataire, le hip-hop -spécialement ici en France- semble être devenu une mouvance populiste et grabataire.

Effectivement, de même qu'aux Etats-Unis où il vit le jour, ce courant artistique resta de longues années durant un phénomène plus ou moins marginal, restreint à un certain public d'initiés avant d'atteindre le grand public. A première vue, cette évolution vers le plus grand nombre ne saurait être si néfaste puisque permettant justement aux artistes de véhiculer leurs messages mais c'est donc sur le processus de cette démocratisation qu'il semble ainsi opportun de se pencher.

Le "Message" de Grandmaster et de son 5 furieux, les premiers essais discographiques d'Assassin et consorts restèrent donc bien loin de toute une agitation que Public Enemy avait raison de dénoncer en clamant "Don't Believe The Hype". Car, en France, cette culture urbaine passe totalement pour inaperçue et ne suscite aucune réaction, aucun commentaire si ce n'est que quelques railleries des animateurs des radios pour jeune public comme Skyrock ou Fun où le rappeur se voit parodié comme étant ce jeune de Banlieue casquette à l'envers incapable de s'exprimer autrement que par des "Yo" ou "Nique ta mère".

Enfin, cela jusqu'en 1994 et la promulgation de cette nouvelle loi par le Comité Supérieur de l'Audiovisuel édictant la règle suivante pour les stations de radio françaises : " La proportion substantielle d'œuvres musicales, créées ou interprétées par des auteurs et artistes français ou francophones, doit atteindre (...) un minimum de 40% de chansons d'expression française, dont la moitié au moins provenant de nouveaux talents ou de nouvelles productions..." Article 28 de la loi (du 30 septembre 1986) modifiée le 1er février 1994 par le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel.

Or, nous sommes en plein essor de cette culture urbaine, 1994 voyant le succès du Mia d'Iam et l'année suivante voyant les Marseillais ainsi que Solaar primés aux victoires de la musique. Parallèlement, dans toutes les cités de France, des jeunes toujours plus nombreux prennent micro et platines pour s'exprimer.. N'en jetez plus ! Un nouveau marché est né...

C'est donc ainsi qu'en 1996 que la radio première sur le dénigrement du rap devient, dixit son slogan publicitaire, la radio "1ère sur le rap", chose dont se justifie fort bien son président, Pierre Bellanger, qui interviewé par le magazine Broadcast, répond à la question du journaliste étant "Vous continuez à surfer sur la vague du rap. Si demain ce genre musical ne remportait plus le même succès, seriez-vous prêt à basculer vers un format techno ou raï ?" la réponse suivante "Tout est possible. La particularité de Skyrock est d'anticiper et de prendre des risques. La station est liée au genre musical du rap, mais elle reste avant tout découvreuse de courants musicaux."

Pourtant, cette culture n'est elle pas contestataire à la base ? Tout comme le fut le punk en son temps ? A cela, le même Pdg de Skyrock vous répondra que son but est de "devoir rendre l'impertinence solvable... " et, à ce titre, explique parfaitement le processus : "Jamais la nouvelle génération n'a disposé d'autant d'argent de poche. Or elle n'a aucune charge sur le dos. Ce qui signifie que tout l'argent des jeunes est dépensé en conneries. Ajoutez à cela que leur parole est primordiale lorsque la famille décide d'acheter du matériel électronique, informatique ou audiovisuel..." (propos du Pdg de Skyrock publiés dans Le Point du 31 août 2001). Bref, les auditeurs ne sont que des consommateurs (un peu comme quand le Pdg de TF1 nous explique que sa chaîne n'est là que pour nous donner envie de consommer du Coca ou d'autres conneries dans le style) et quant à l'art...euh, ne parlions nous pas business à la base ?


Ainsi, ne faut-il pas hésiter à aller droit au but. Le formatage existe dans la variété et dans la musique qu'écoutent les parents des jeunes d'aujourd'hui, les DA n'ont alors plus qu'à appliquer les mêmes recettes mais pour un plus jeune public : "Si le refrain vient trop tard, c'est mauvais pour la chanson. Le public décroche... Oui, ça m'ait arrivé plusieurs fois de demander à des rappeurs qu'ils déplacent leur refrain. Pour les textes, je ne censure pas à proprement parler (...) On en discute, et s'ils veulent passer chez nous, ils refont leur chanson. Le rap est une musique jeune, vous savez, il faut qu'elle mûrisse (...) Je suis une radio commerciale. Mon objectif, quand je mise sur un titre ou un album, c'est d'en faire au minimum un Disque d'Or, c'est à dire 100 000 exemplaires." Laurent Bouneau, Directeur Général des programmes de Skyrock, dans "Rap, la loi du fric", Télérama n°2612, 2 février 2000. En esthétique, le fondement premier posé par Kant pour la considération de la qualité d'un oeuvre artistique est le désintéressement de celle-ci face à du contingent tel son accueil par le public, le beau se devant de surgir de lui-même et non pas de résulter d'un quelconque calcul mais, à vrai dire, la philo doit apparaître aussi saoulante que les refrains venant trop tard à pareil monsieur..

Mais, finalement, pour maîtriser ceux qu'on considère comme des moutons, on n'a jamais fait mieux qu'un bon berger et sous la houlette du "Grand frère Difool" (titre d'un article très élogieux paru dans le magazine L'Express du 25 janvier 2001), "le jeune", cible du marketing des requins-programmateurs-marchands, n'a qu'à bien se tenir ! Au delà des sérieuses mises en garde du CSA en fin d'année 2000 pour "débordements" , "l'irrévérencieux" animateur (qui est surtout directeur d'antenne) soutient éduquer les masses. Pour se défendre , il évoque "créer une relation de confiance dans un univers de déconnades"...et de se positionner en "victime" lors de ses mises en garde par le CSA, sorte de bouc émissaire d'une théorie du "complot" non sans nous rappeler le Borgne (mais, après tout, pourquoi s'étonner de similitudes entre le Front national et Skyrock lorsqu'on sait que Guillaume Faye -alias Skyman-, animateur de la radio, écrivit au moins un des discours de Jean-Marie Le Pen -celui du Mont Saint Michel en 1988- et qu'il fut membre du GUD).


Kool Shen, Joey Starr, Mc Solaar, Akhenaton, Shurik'n, Fonky Family, Passi, Stomy Bugsy, Doc Gynéco, Arsenik sont de ceux qui ont apporté leur soutien à une campagne nationale nommée "Plus de fréquences pour Skyrock !!!""Plus de Sky, plus de rap, plus de fréquence pour la radio n°1, qu'on se le disent, on roule avec Skyrock." ainsi que le clamait Arsenïk sur cette pétition. On comprend ainsi clairement les intérêts communs qui se sont dégagés de cette campagne. Ces "rappeurs à succès" ne sont assurément pas du genre à mordre la main qui les nourrit, mais plutôt à la lécher... Sauf que, comme le souligne lui-même le président du CSA, Hervé Bourges, réprimandant Pierre Bellanger (au cours d'un entretien publié dans un magazine pour les professionnels de l'audiovisuel nommé Broadcast, le 20 janvier 1999) : "le développement de la station est plafonné, vous le savez bien, tant qu'elle fait partie d'un groupe, le groupe Lagardère, qui a atteint le seuil anti-concentration fixé par la loi, et qui ne peut plus désormais obtenir de nouvelle fréquence..."

Il est intéressant de savoir que tous ces rappeurs se sont faits complices d'une pression concentrationnelle et anti-concurrentielle téléguidée par le grand groupe Matra Hachette - Lagardère (marchand d'armes notoire), qui, depuis, a revendu ses parts du réseau Skyrock pour acquérir de nouvelles fréquences... Il faut croire que ces "artistes" ne sont plus à ça près... Après s'être autrement compromis dans l'acceptation de la commercialisation de leur art et mode de vie, ils acceptent les richesses matérielles que Skyrock, entre autre, leur procure, et qu'ils étalent d'autant plus violemment à la face de leur auditoire qu'elles sont fondamentalement illégitimes.

En attendant, de même que le Punk en son temps donc, une culture a été bradée et on vend de la "révolte" à un public jeune, ne sachant pas qu'être rebelle n'est pas juste que dire "nique ta mère" et qu'être hip-hop ne consiste pas à porter la tenue du dernier rappeur à la mode aperçue lors de son dernier clip. Mais, désolé, les hiphoppeurs ayant pareille vision ne sont plus que traités de "vieux cons" par ces jeunes floués et, somme toute, le vieux con vous salue bien...

Le rap est mort, vive le rap..

Tovaritch Blade

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